Saint-Simon a laissé un remarquable portrait de Monsieur, le second fils de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, né à Saint Germain le 21 septembre 1640, alors que le prince était âgé d'une cinquantaine d'années :"c'était un petit homme ventru, monté sur des échasses tant ses souliers étaient hauts, toujours paré comme une femme, plein de bagues, de bracelets et de pierreries partout, avec une longue perruque toute étalée devant, noire et poudrée et des rubans partout où il pouvait mettre, plein de sortes de parfums et en toutes choses la propreté même...".
De fait le frère de Louis XIV apparaît comme un être complexé, fort occuper d'amitiés masculines, le vice italien comme on disait alors, ombrageux, grand amateur d'intrigues et nourrissant un culte maladif pour l'étiquette, seul pouvoir qu'on lui laisse pour ainsi dire à la cour de France. Est-ce le résultat d'une éducation calculée ? Pendant toute son enfance, Anne d'Autriche a manifesté à l'égard de son fils Philippe, duc d'Anjou, une tendresse peu excessive. Le prince a été élevé de façon à en faire un être docile et surtout incapable de porter ombrage à son frère pour certainement éviter que l'histoire ne se répète à l'image de Louis XIII et de son frère Gaston d'Orléans au destin frondeur. En 1660 lorsque Gaston meurt Philippe cesse d'être "le petit Monsieur", pour être Monsieur employé absolument ; il cesse d'être le duc d'Anjou pour devenir duc d'Orléans.
Deux mariages malheureux, décidés et imposés par Louis XIV, accentuent l'originalité de Monsieur. Le premier avec sa belle et séduisante cousine germaine Henriette d'Angleterre qui cède aux assiduités du comte de Guiche après avoir longuement flirté avec son beau-frère le roi, contribue à ridiculiser un prince dévoré de jalousie et à accentuer son penchant . La mort dramatique et longuement suspecte de "Madame" mettra fin à ses tracas. Seulement le prince veut un héritier et exige le remariage, ce sera avec la princesse Palatine Elisabeth-Charlotte de Bavière, mariage non heureux également mais dont il sortira un fils, le futur régent. Le duc d'Orléans se laisse aller aux manipulations de son favori le chevalier de Lorraine qui ira jusqu'à initier le fils légitimé du roi et de La Vallière le jeune comte de Vermandois qui sera disgracié par son père. Louis XIV multiplie les affronts à l'égard de son frère, celui-ci ayant remporté des succès aux cours des guerres dont celle de Hollande et gagné une grande victoire sur Guillaume d'Orange en 1677, le roi lui ôte tout commandement. Cette victoire est le seul vrai repère dans la vie de Monsieur jusqu'à sa mort, le 9 juin 1701, son seul orgueil. Monsieur fera preuve de qualités d'homme de goût et de mécène dans ses résidences du Palais Royal et de Saint Cloud qu'il ne cesse d'embellir et qui lui permettent de s'échapper de Versailles et de son frère. Louis ne lui permet même pas d'obtenir, à la mort de Gaston d'Orléans, le gouvernement de Languedoc qui lui revient pourtant de droit, le roi déclare même à ce sujet "Les princes de sang ne sont jamais bien en France ailleurs qu'à la cour." Monsieur mènera jusqu'à sa mort la vie des héritiers royaux qui n'ont aucun espoir d'hériter.